Pinault Collection Paris, Tadao Ando et éclairage Ingélux
Ingélux a été missionné pour la programmation de l’éclairage muséographique de la Bourse de commerce à Paris. Objectif : accueillir la collection d’art contemporain de François Pinault sous la meilleure lumière possible.
L’équipe de maîtrise d’œuvre de la rénovation est constituée des quatre agences : une d’ingénierie, mandataire, et trois d’architecture associées :
- Setec Bâtiment, ingénieurs à Paris,
- Tadao Ando Architectes and Associates, architecte au Japon,
- Niney et Marca Architectes – NeM, Lucie Niney et Thibault Marca, architectes parisiens,
- Pierre-Antoine Gatier, ACMH, architecte en chef des monuments historiques dans la capitale.
Après la première esquisse de Tadao Ando, validée par le client, et un aller-retour avec les architectes locaux, la conception lumière s’engage. Pour Ingélux, le projet d’éclairage doit s’inscrire dans le parti architectural. C’est la première étape.
L’agence d’éclairagistes, ingénieurs et architectes demande alors qu’on lui explique « les tenants et aboutissants des intentions architecturales » explique Christophe Marty. Objectif : « bien comprendre, les points forts et fondamentaux du projet. D’où venaient les lignes architecturales qui étaient posées pour être sûr de partir dans la bonne direction. »
Élément contemporain dans la Bourse de commerce
Christophe Marty poursuit : « le grand geste initial Tadao Ando est d’insérer un élément contemporain, avec sa matière, son architecture et son vocabulaire au centre du patrimoine historique. L’architecte souhaite alors qu’on le respecte mais aussi qu’on le mette en valeur. »
Ingélux propose alors un éclairage contemporain, moderne et qui montre la matière du béton. Dans un bâtiment existant sous dôme, le traitement de teinte de la lumière, des directions et sa qualité sont différentes.
Rotonde, mur en béton et lumière naturelle
La lumière naturelle varie continuellement dans l’espace de la rotonde de 38 m de diamètre et 35 m de haut. Comme par magie, entre rayon du soleil et nébulosité, l’amplitude de l’espace augmente en fonction de la lumière du jour.
La lumière du soleil se projetait déjà sur les façades intérieures courbes en pierre historique. Pour autant, le cylindre en béton bleuté de 29 mètres de diamètre apporte un réel plus. Il valorise cette lumière naturelle et sa matière, avec en arrière-plan le patrimoine emblématique du lieu.
« Nous avons commencé par une étude en lumière naturelle, pour voir comment le soleil pénétrait dans le bâtiment, la rotonde centrale » raconte Christophe Marty.
« En effet, pour préserver la collection, quelle dose totale d’éclairement est acceptable ? Nous avons immédiatement alerté l’équipe. La rotonde avait une quantité d’éclairement supérieure à ce que l’on pouvait accepter sur des peintures, par exemple. Donc, nous savions qu’il n’était possible de présenter ici que des éléments non sensibles à la lumière du jour. »
Accompagnement l’architecture, de jour et de nuit
La forme cylindrique était définie dès le départ. Sa hauteur était plus ou moins précisée dans ses grandes lignes.
« Nous avons fait des croquis au début pour bien expliquer aux architectes que le dispositif proposé permettait d’accompagner l’architecture de jour. À 17 heures, en hiver il fait nuit. Le musée est aussi loué pour des soirées privées. À la tombée du jour, nous relisions les matériaux, les matières et les volumes. Nous exacerbons presque les intentions architecturales. »
Au fur et à mesure des études, l’oculus est dessiné par l’architecte et l’éclairagiste. Cet élément vient en porte-à-faux avec le voile contemporain. Pour bien positionner les matériels d’éclairage et selon d’autres contraintes techniques, Ingélux demande un certain retrait. Objectif : avoir une bonne uniformité sur le mur courbe.
Éclairage uniforme et immatériel du mur béton
« Ça a été un gros challenge », se rappelle Christophe Marty, « car nous n’avions qu’un débord de 1,90 mètre, pour un voile contemporain de 8,67 mètres de haut. Nous voulions avoir un éclairage très uniforme et une impression d’immatériel. En fonction des besoins techniques et pas que pour l’éclairage, certains éléments ont été définis. Ainsi, la ventilation, l’aération et l’acoustique ont été prises en compte. C’est à partir de là que le détail d’architecture est conçu. »
D’abord, les éclairagistes se lancent dans des calculs techniques, pour vérifier la faisabilité de cet éclairage. Trois rangées de sources éclairent le mur courbe finalement :
- intensive, qui éclaire plutôt le bas du mur,
- écliptique, pour la partie intermédiaire du mur,
- extensive, pour le haut du mur.
Ensuite, après des essais sur échantillons de béton utilisés par Tadao Ando, une teinte blanc froid de 5000 K a été choisie. L’IRC – indice de rendu des couleurs – est supérieur à 90. « C’est une couleur qu’on trouve assez facilement en termes de sourcing, mais il fallait quand même une fabrication sur mesure » précise Christophe Marty. « Le plus difficile pour nous était de trouver les bonnes optiques et les bons angles pour faire de bons recouvrements. »
Prototype grandeur nature du mur en béton
« Pour vérifier et prouver que ça fonctionnait, nous avons fait un premier prototype grandeur nature en juin 2016. L’objectif était de valider cet effet avec François Pinault et Tadao Ando. « Il y a eu des instants un peu magiques avec l’équipe du projet. A la tombée de la nuit, on s’est mis à sentir cette lumière froide qui fait ressentir le béton avec la lumière chaude du jour en train de tomber » se souvient Christophe Marty.
« Ça a été un réel défi de pouvoir faire ces réglages lumière finaux in situ. Finalement, la forme ronde du cylindre, grâce à la largeur des optiques, nous aide à bien recouvrir les faisceaux pour obtenir un éclairage quasiment uniforme. »
Éclairage de la rue intérieure, ancien et contemporain
En effectuant des recherches pour choisir les éclairages de la rotonde, Christophe Mary retrouve des lanternes historiques. Il s’agit de luminaires à arc voltaïque, avec une électrode et une anode. Le tout, intégré dans une boule en verre pour diffuser la lumière. Les fameuses bougies Jabblokkof de l’avenue de l’Opéra à Paris.
« Nous avons travaillé avec ACMH pour voir comment nous pourrions réutiliser cette typologie d’éclairage, la rendre moderne et utile au projet. À l’époque, la source était une lumière froide. Nous avions besoin de redévelopper ces éléments, tout en conservant leurs impacts visuels. Donc, nous avons réinterprété la lanterne avec deux types de sources :
- une très large, pour éclairer la boule lumineuse de manière diffuse. C’est une Dragon de chez Osram,
- un spot downlight orientable, afin de répondre aux 100 lux dans les circulations.
Tous ces éléments ont été développés par l’entreprise Delisle qui redessine les lustres historiques. Des prototypes sont réalisés également pour valider ce luminaire, version XXIe siècle.
Éclairage muséographique des galeries d’exposition
Ingélux a aussi développé, pour l’éclairage muséographique proprement dit, l’implantation des luminaires et des rails. L’agence a fait une présélection des appareils d’éclairage au moment des études.
Conformément au choix de Tadao Ando, les éclairages sont radiaux par rapport à l’axe de la rotonde. Les rails ne sont pas trop resserrés. Objectif : le plafond ne devait pas faire trop technique.
Tout ce qui a été installé dans le bâtiment est réversible, y compris l’éclairage. Ingélux a travaillé avec iGuzzini pour faire modifier des LaserBlade et en faire des luminaires interchangeable sur les rails.
Éclairage moderne de la Pinault Collection
Tadao Ando avait aussi une demande particulière au niveau des luminaires : avoir un éclairage moderne, uniforme et blanc froid. Pour avoir la possibilité de ne pas utiliser de spots d’accentuation ou de cadreurs pour mettre en valeur l’exposition. Soit un éclairage tubulaire linéaire avec un IRC supérieur à 95 et un flux lumineux souhaité. Avec le fabricant Optelma, choisi à la suite d’un appel d’offres, Ingélux a développé ce luminaire.
« Cet éclairage fait un rappel des ambiances uniformes que l’on peut avoir dans la rotonde. Quand on met en ligne ces luminaires dans les plafonds, ça rappelle la forme architecturale du bâtiment. »
Pour autant, la conception lumière des premières expositions inaugurales a été réalisée et réglée par les scénographes de l’agence Vaste. Soit une interprétation très classique des choix du programme architectural de Tadao Ando avec des projecteurs Erco.
L’ancien président du Centre Pompidou (1996-2002), Jean-Jacques Aillagon, directeur général Pinault Collection depuis 2018, a aussi une grande expérience de comment mettre en valeur des œuvres d’art contemporaines par la lumière.
Rampe lumineuse pour les escaliers
Dans les escaliers historiques, le respect des normes PMR et des 150 lux d’éclairement est une contrainte difficile à résoudre. Mais l’intervention des designers, les frères Ronan et Erwan Bouroullec, propose d’installer un lustre graphique suspendu dans les escaliers.
Extrapolant ce geste artistique, une solution technique d’éclairage fonctionnel est proposée par Ingélux. Finalement, trois tubes Flos au lieu d’un seul éclairent les cages d’escalier. En partie basse de chaque tube, un spot type downlight éclaire le sol. Encore une fois, des tests in situ sont réalisés.
Ces tubes sont aussi installés de manière horizontale dans le hall d’entrée et dans le restaurant au dernier étage.
Deux installations lumière artistiques pour l’inauguration
Offspring de Pierre Huyghe est visible au sous-sol de la Bourse de commerce dans une boîte noire.
Comme un jeu de lumière, de couleurs et de faisceaux dans la fumée, l’installation est une rémanence de L’Expédition scintillante. Entre poétique et émotion, une danse lumineuse et musicale.
Mont Analogue de Philippe Parreno a conçu une installation lumineuse au sommet de la colonne qui couronne latéralement l’édifice. Tel un phare intermittent en trichromie en LED, il change de teinte et balise le haut de l’édifice.
Cette œuvre est visible de l’intérieur du bâtiment au dernier étage, comme de l’extérieur jusqu’au 1er juillet 2022.
Éclairage extérieur de mise en valeur du patrimoine
Un peu comme l’illumination de la Cour carrée du Louvre, Ingélux a développé un système d’éclairage rasant. Du haut vers le bas, il met en valeur la modénature du patrimoine, sobrement. Il évite aussi d’avoir des fuites de lumière vers le ciel de Paris et limite les nuisances lumineuses.
Certification environnement du bâtiment
La Bourse de Commerce a obtenue avec succès la certification :
- environnementale française HQE Bâtiment Durable,
- haute performance environnementale au bâtiment anglo-saxonne BREEAM Very good
Approfondir le sujet
- Une seconde d’éternité, fantômes, ombres et reflets, Pinault Fondation
- Tadao Ando : rétrospective de l’architecte au Centre Pompidou
- Japan-ness, architecture et urbanisme au Japon depuis 1945
- Tadao Ando le défi, catalogue d’exposition
- Lumières Zen à la Fondazione Prada, Milan, Italie
- Révolution LED au musée d’Art contemporain du MAC Lyon
- Philips LEDline, un luminaire LED comme un mur de lumière
Livres
Tadao Ando le défi
400 illustrations et 70 projets, voici la monographie de l'architecte Tadao Ando le défi. Un vrai plaisir entre architecture et lumière. |
Eclairage d'exposition, musées et autres espaces, de Jean-Jacques Ezrati
Le manuel de l'éclairage d'exposition de Jean-Jacques Ezrati. Trente ans d'expérience, de la régie lumière au métier d'éclairagiste. Le référent des musées. |
Du musée à l’éclairage muséographique
Deux livres phares autour du musée et de l’éclairage muséographique : Museum environment, de Garry Thompson à La muséologie, selon Georges Henri Rivière. |
Merci pour ce bel article! Je recherche la référence des panneaux lumineux installés dans les ascenseurs et les sanitaires de la Fondation. La connaissez-vous?
Bonjour, Il s’agit d’un ensemble similaire aux caissons Barrisol, mais ici de marque Newmat.
http://www.newmat.com