Robert Wilson et « Les Nègres » : une comédie jazzy
En début d’année, j’ai vu le spectacle « Les Nègres » de Jean Genet. Mis en scène par Robert Wilson au TNP de Villeurbanne. C’était deux jours après l’attentat de Charlie Hebdo.
Le cœur n’était pas à la détente. Le sujet de la comédie musicale non plus. De plus, la première scène se déroule sous des rafales de mitraillettes…
Les personnages atteints « par les balles » s’immobilisent, comme une pause de l’image. Ils deviennent des sculptures éclairées en latéral haut blanc froid, presque en douche.
En fond de scène, une projection d’image de fumée glisse lentement. Un mapping vidéo en flash éclaire l’intérieur des baies au moment du coup de feu « fatal ».
Mais l’essentiel du spectacle se passe comme sur une scène de cabaret. Le théâtre se mue en une comédie musicale, très jazz, déjantée et très graphique.
Histoire et scénographie de Robert Wilson
Redécoupée par Robert Wilson, dit « Bob Wilson », l’histoire de la pièce provocatrice de Jean Genet avait fait scandale à sa création. Un texte engagé, direct et descriptif. Il raconte l’aventure d’un noir qui assassine une blanche. Le jugement est réalisé par des blancs interprétés par des noirs, comme l’ensemble des comédiens de la pièce. Une vraie performance musicale et d’interprétation théâtrale, costumée, maquillée et transposée par le metteur en scène, scénographe et créateur lumière.
Le décor très fin est une série de praticables en métal, de différentes hauteurs, avec des escaliers d’accès. Le tribunal blanc est placé à l’étage, les noirs sur le plateau.
En arrière plan, des courbes équipées de guirlandes accompagnent les tableaux. Ils s’enchainent très rapidement avec de nombreux effets de lumière clignotante, de chenillard et de flash. Le nef de scène accueille aussi une ligne lumineuse de tubes fluorescents blancs qui deviennent pénibles au niveau visuel lorsqu’ils s’allument et s’éteignent trop rapidement.
Sur scène, des palmiers en signalétique lumineuse créent un univers simplet qui accompagne la dramaturgie. Ils prennent les couleurs de la scène, par un jeu de contraste avec le fond et l’action.
Le cyclo prend principalement quatre couleurs : magenta, jaune, bleu et blanc, au cours du spectacle. Jouant du dégradé de haut en bas, des aplats unis, ou d’une surbrillance à la Rothko, ici à un mètre du sol, comme la photo en tête de ce billet.
Les acteurs sont souvent éclairés avec des poursuites filtrées en bleuté. Elles cadrent le buste, la tête, une main, une fleur ou un couteau blanc.
Le travail du metteur en scène est dans le découpage, la manière de dire le texte. Chaque séquence est une courte scène avec son ambiance lumineuse et sa composition dans le cadre de scène tel un tableau de peintre.
Même si le spectacle est très graphique, le mouvement trop rapide de la lumière, presque une scène sur deux, parfois continuellement dans les parties chantées, ne sert par l’action. Elle donne un côté totalement artificiel à la pièce. Au bout d’un moment, avec les soucis des jours d’avant, j’ai décroché. Mes yeux et mon cerveau m’ont dit stop. Trop de lumière vivante tue le travail de l’acteur. Au final, je suis resté comme beaucoup de spectateurs : abruti par tant d’effets visuels, lumineux et composés.
Au moment des saluts, les comédiens ont tous brandi un crayon. Hommage aux dessinateurs assassinés quelques jours avant, pour dire oui à la liberté du dessin de caricature. Quel écho à l’actualité ! Je suis Charlie.
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Lieu
- TNP
- Villeurbanne, France