Quand scénographie, lumière et création théâtrale ne font qu’un
Quand scénographie, lumière et création théâtrale ne font qu’un, le théâtre d’action prend tout son sens. Auteur et metteur, Joël Pommerat a monté La Réunification des deux Corées en 2013 au Théâtre de l’Odéon à Paris. Cette pièce contemporaine a été reprise au TNP de Villeurbanne en janvier dernier.
« C’est un théâtre réaliste, qu’on pourrait presque qualifier de théâtre de situation, mais je préfère le terme de théâtre d’action, qui est plus drôle et plus ambigu. C’est-à-dire que l’action prévaut sur la parole ».
Joël Pommerat, auteur, metteur en scène
Et de l’action, il y en a. Plus d’une vingtaine de tableaux de deux, trois et jusqu’à six comédiens s’enchaînent. Une heure cinquante de spectacle sans qu’on voie le temps passer. Le propos traite de l’amitié, de l’amour et du désamour. Les personnages de ce théâtre d’action s’enflamment dans des situations tragédie-comique, jeux de postures des corps, du texte, de la scénographie et de la lumière, tel un théâtre total.
Scénographie bifrontale sur la scène
Dès l’accueil, l’accès à la salle de spectacle suit la création théâtrale. Nous accédons par un petit labyrinthe à une scénographie bifrontale de Eric Soyer, installée sur la scène même du TNP.
« La scénographie arrive avant-même la thématique. On discute d’espaces dans lesquels on va démarrer une exploration. Par exemple, sur l’exploration qu’on vient de démarrer, on a parlé de faire un bifrontal. Le bifrontal est donc le point de départ du rapport au public qui nous intéressait ».
Eric Soyer, scénographe et créateur lumière
Deux gradins de six rangés de sièges se font face à une distance de 6 m, chacun d’environ 200 places. Deux murets techniques de 1,15 m de haut délimitent l’aire de jeu. Soit un espace scénique tout en longueur entre 24 et 30 m qui crée une proximité inattendue avec les comédiens. La mise en scène rendant aussi souvent impossible de voir l’action théâtrale d’un seul coup. Nous sommes obligés de tourner la tête à droite et à gauche pour percevoir la scénographie dans son ensemble.
Noir, lumière et création théâtrale
« La qualité du noir scène est une contrainte artistique de premier ordre dans nos spectacles. Un noir total est donc indispensable durant toute la représentation ».
Emmanuel Abate, directeur technique, Cie Louis Brouillard
Au dessus de la scène toute en longueur, trois vidéo projecteurs Panasonic PTD-730 équipés de grand angle 0.8 sont dissimulés entre les quatre frises de velours noir. Renaud Rubiano, à la vidéo, avec Eric Soyer à la lumière, ont créé des projections d’image zénithale sur le sol.
« Sur le bifrontal par exemple, une de mes envies était de travailler sur des lumières dynamiques. C’est à dire de travailler sur de la lumière qui puisse évoquer quelque chose de très réaliste, et en même temps travailler sur le mouvement ».
Eric Soyer, scénographe et créateur lumière
Cet éclairage dynamique contemporain varie selon les tableaux : une tapisserie de salon, un carrelage de cuisine, l’ombre des caillebotis, la lumière du jour par une verrière ou bien une matière informe. Mouvante au fil de l’action, la lumière glisse sur le sol. Elle évolue durant le jeu des comédiens de manière lente presque imperceptible. Elles se délitent comme va l’action scénique.
Vidéo projection et éclairage dynamique
Ces trames de lumière, tel un vidéo mapping, fondent l’espace scénique. Seulement quelques mobiliers d’intérieur apparaissent ou des lustres qui descendent des cintres. Ils permettent d’asseoir les comédiens ou les situer dans ce théâtre d’action.
La lumière vidéo projetée se referme en fondu. Mais, le plus souvent, elle s’efface comme avec un couteau de gauche à droite, ou de l’extérieur au centre de la scène. Telle la chute qui conclue l’action scénique.
De plus, des éclairages traditionnels s’ajoutent à ces éclairages scénographiques de situation. Projecteurs à découpe, PAR et plans convexes sont placés en latéraux haut ou en douches ponctuelles, entre les frises. Ces lumières scéniques focalisent l’attention du regard du public.
La scénographie, la lumière la mise en scène se combinent à des environnements sonores et des bruitages géolocalisés côté cour et jardin. La musique originale de Antonin Leymarie fait réellement corps avec le spectacle.
Tel un film en cinémascope, le niveau du son augmente au fur et à mesure que l’intensité dramatique explose. Finalement, ces choix d’un volume sonore important entre les tableaux, avec des noirs intenses et des fumées au ras-du-sol, renforcent la magie du spectacle.
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Équipe artistique
Équipe technique
Lieu
- Théâtre National Populaire
- Villeurbanne, France