Stéréoscopia de Vincent Dupont, lumières depuis la scène
Stéréoscopia de Vincent Dupont a été représenté trois fois au Théâtre Nouvelle Génération – TNG – à Lyon. Sa création a eu lieu deux ans plus tôt au Centre chorégraphique national de Rillieux-la-Pape (69) pour le réseau européen Bamboo.
Comme à son habitude, la Biennale de la Danse de Lyon s’est installé dans plusieurs salles de spectacle de la Métropole. Le TNG est un lieu est bien adapté à Stéréoscopia :
- le rapport scène-salle est frontal,
- le public est placé sur les premiers rangs d’une tribune en gradins,
- la jauge est de 120 à 135 spectateurs,
- chaque spectateur est équipé d’un casque audio.
De plus, le TNG développe « un projet artistique tourné vers un théâtre des imaginaires, ouvert aux innovations scéniques qui s’aventurent aux frontières des autres disciplines » d’après son directeur et metteur en scène, Joris Mathieu. Quoi de plus naturel que d’avoir choisi cette salle de spectacle pour représenter Stéréoscopia à Lyon !
Comment est né Stéréoscopia avec le concepteur du projet ?
Arnaud Lavisse : la structure du projet « Stéréoscopia » a été imaginée par Vincent Dupont. Nous avons ensuite discuté des contraintes scénographiques et des alternatives possibles en termes de matières pour le mur.
Quelles sont les composantes du dispositif scénique ?
Arnaud Lavisse : la scénographie se compose d’un mur de matelas gonflables en matière plastique blanc. Le mur ainsi constitué ferme l’espace scénique au lointain et aussi sur les côtés.
A la face, Vincent manipule des objets, juché sur un pont masqué par une frise sur toute l’ouverture dont le bas se trouve à 2,30 m du sol. L’ensemble compose une image type cinémascope et produit un fort contraste noir/blanc.
La discussion a été centrée sur les questions de transparence et d’opacité du « mur » et donc sur la nature de cette séparation. Il n’y a pas eu de ma part de remise en cause de la scénographie et de la gestion de l’espace scénique.
En résumé, on notera que l’espace scénique est fermé au lointain, sur les côtés, et cadré très bas à la face. Il n’y a que 3,5 m d’espace entre le cadre de scène et le mur de matelas du lointain.
De plus, l’utilisation de fils de manipulation dans cette espace n’autorise pas non plus l’implantation de latéraux hauts, sous peine de dévoiler les intentions.
Comment avez-vous travaillé la lumière dans cet espace ?
Arnaud Lavisse : on comprendra bien que je suis assez rapidement arrivé à la conclusion que la lumière devait principalement émaner de l’intérieur de l’espace scénique ainsi cadré. J’ai travaillé en considérant essentiellement les questions suivantes :
- Comment éclairer les danseuses sans projeter des ombres brouillées disgracieuses sur les matelas blancs ?
- Comment éclairer et faire vivre le mur du fond indépendamment du « traitement » des danseuses qui dansent devant ?
- Comment introduire mouvements, couleurs et vibrations ?
Le dispositif principal de l’éclairage est constitué de rubans LED blanc froid et couleur RGB. Elles sont intégrées à la scénographie, posées au sol à la face intérieure du cadre. Le mur de matelas est éclairé par l’arrière avec des cycliodes et en face par trois réflecteurs blancs éclairés par des PAR. Quelques PAR et un stroboscope complètent le dispositif.
L’omniprésence de matelas gonflables blancs a renforcé mon choix concernant l’emploi des LED – lesquelles produisent une lumière « synthétique » qui s’accorde au rendu de la matière plastique.
Quelles sont vos sources d’inspiration en éclairage ?
Arnaud Lavisse : je travaille autour de formes contemporaines depuis plusieurs années, donc plutôt ce qui concerne l’art contemporain dans sa forme dansée.
Dans la première scène du spectacle, les deux danseurs sont assez énigmatiques. Ils jouent la même partition dans le même espace. Pourquoi avoir choisi cette atmosphère diffuse blanc froid, puis un éclairage qui devient plus rasant sur les matelas ?
AL : je n’ai pas travaillé à créer une atmosphère mais plutôt un contraste de mouvements et de vibrations de nature différente. Au départ les danseuses sont cachées au sol derrière un bandeau. Elles en émergent peu à peu et vont progressivement apparaître aux regards. Elles reçoivent un éclairage blanc froid LED venant du sol qui permet de révéler progressivement les formes en passant au préalable par du gris.
Dans le même temps les matelas sont révélés par deux sources différentes « tuilées », l’une sur l’autre, ce qui crée un mouvement sur le mur – LED et réflecteurs au plafond.
La quantité de lumière va augmenter progressivement et cette lumière blanche assez éblouissante va permettre d’introduire de la couleur verte en addition et en mouvement (apparition / disparition) à l’intérieur de la teinte blanche. Ceci annonce la prochaine apparition plus brute de la couleur cette fois.
En effet, changement complet d’atmosphère dans la deuxième scène du spectacle : rouge et vert primaire pour une expérience de la vision binoculaire, chaque danseuse joue de manière parallèle. Qu’est-ce que cela provoque ?
Arnaud Lavisse : la division de l’espace en deux couleurs est une proposition de Vincent. Chaque danseuse effectue le même mouvement avec un soupçon de décalage. Les inversions de couleur sont plutôt illustratives de ce principe.
Scène suivante, retour à un seul et même espace. Des ballons blancs immenses emplissent le volume. Comme par magie, ils sont en lévitation. Comment avez-vous changé la couleur de la boule au rouge lorsqu’elle remonte et disparaît dans les cintres ?
Arnaud Lavisse : j’ai placé des PAR en position latérale dans les cintres, c’est le mouvement de lumière qui colore le ballon à cet instant lorsque celui-ci rentre dans le faisceau du projecteur.
Dernière scène, trois cônes métalliques descendent sur la hauteur de l’espace scénique. Une boule noire mat apparaît. Quelle atmosphère lumineuse avez-vous créée pour cette scène très contrastée avec le fond du décor?
Arnaud Lavisse : il s’agissait ici de brouiller les sens via couleur et mouvements – avec un mélange de chasers et flashs stroboscopiques – pour accompagner cette apparition de façon très mécanique. Cette partie du spectacle peut être perçue comme une apparition angoissante, elle se dissipe peu à peu et on retrouve peu à peu une tonalité plus normale.
Quelle est pour vous la lumière idéale sur une scène ?
Arnaud Lavisse : lorsque l’on a l’impression d’une certaine justesse, du bon endroit, que quelque chose a trouvé sa juste place.
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Lieu
- Théâtre Nouvelle Génération
- Lyon, France
Livres
Noir, lumière et théâtralité, de Véronique Perruchon
Une traversée historique et esthétique du noir au théâtre et de la lumière à la scène. Un livre de Véronique Perruchon à dévorer avant de se coucher. |
Le temps des flammes, de Christine Richier
Comment éclairait-on un espace scénique avant la lampe à incandescente ? Le temps des flammes de l'éclairagiste Christine Richier. Histoire de la lumière. |
E-book de la lumière dans le spectacle vivant, Agence culturelle d’Alsace
Aide-mémoire du régisseur lumière rédigé par le concepteur lumière Jean-Philippe Corrigou, le e-book de la lumière dans le spectacle vivant est à découvrir. |