Tableau d’une exécution, quand la peinture entre en scène
Tableau d’une exécution. Ou comment représenter la création d’une peinture gigantesque sur la scène du théâtre ? C’est l’une des questions auxquelles ont dû faire face le metteur en scène Claudia Stavisky et la scénographe Graciela Galán dans une certaine abstraction.
Scénographie d’art et d’accessoires
Pas de pendrillon, une toile d’art contemporain au lointain et quelques frises pour couper la vision des sources des contre-jours nombreux sur le spectacle. La cage de scène est dépouillée au maximum. Un buste cassé et un podium sur roulettes occupent le plateau, comme de nombreux accessoires au fil de la pièce.
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Le plancher se retourne de manière cylindrique au lointain pour permettre plusieurs scènes en apesanteur : la peinture de la toile suspendue, le cimetière et la découverte de la peinture par les commanditaires.
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L’action se déroule en Italie dans un atelier d’artiste à Venise. Le texte de Howard Barker est rythmé au couteau. Très charnel, il aborde l’énigme de représentation. Une femme peintre nommée Galactia reçoit la commande d’un tableau monumental, la bataille de Lépante.
Mais au lieu de glorifier le combat, elle va peintre la vérité de la guerre et des corps morts. Heurtant le politique comme le religieux, un duel s’engage alors avec son commanditaire. Super spectacle avec une Christiane Cohendy en Galactia rayonnante, une scénographie tout en nuances et une lumière en résonance avec le texte.
Selon les scènes, la toile du peinte occupe le sol au centre du plateau ou est suspendue dans le vide de l’espace théâtral depuis les cintres, comme une exposition. Grâce à la magie de l’art théâtral, jamais le public ne verra la toile entière commandée.
Par différents artifices, elle sera magistralement suggérée par un immense voile de soie rouge sang. Les personnages de la pièce la traverseront pour mieux signifier la violence de la bataille de Lépante, sujet de la représentation picturale.
Eclairage de concert au théâtre
Dans une ambiance enfumée, les premières scènes se déroulent pendant l’orage. Un plein feu envahit l’ensemble du plateau avec des contre-jours légèrement bleutés et des faces au troisième balcon en blanc neutre.
La lumière de Franck Thévenon est vivifiante pour les scènes diurnes et ternes pour les nocturnes. Un contre-jour diagonal derrière le podium conduit souvent à une lumière clef avec sa composante à la face selon le même axe, comme sur une scène de concert !
Au fur et à mesure que la tragédie s’engage, la lumière se fait plus dramatique. Tel un éclairage muséal, elle accentue par exemple :
- la posture du modèle de l’amiral sur un escabeau en avant-scène,
- le mouvement de la peintre Galactia sur une passerelle suspendue en fond de scène
- la file de personnages vêtus de noir avec au lointain, pour la scène du cimetière.
Un ou deux latéraux hauts avec des découpes depuis les passerelles dans les cintres créent alors des effets de lumière comme dans un tableau du Caravage.
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Point notable du texte de Howard Barker, le mot « lumière » est clamé plusieurs fois dans des tirades de Galactia :
- « La lumière du jour envahit la pièce » lors de la découverte de la toile.
- « Quelqu’un pourrait-il m’apporter de la lumière » dans la prison.
- « Il n’y a plus de lumière » dans le dialogue entre le peintre et la critique.
Hors des didascalies, voici autant d’indications scéniques prises en compte par l’équipe artistique du spectacle avec brio.
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Approfondir le sujet
Lieu
- Théâtre des Célestins
- Lyon, France