Ukiyo-e de Sidi Larbi Cherkaoui en lumières mouvantes
Avec le Ballet du Grand Théâtre de Genève, Sidi Larbi Cherkaoui présentait en première française Ukiyo-e. C’était pour la Biennale de la danse de Lyon, à la Maison de la danse, du 11 au 19 septembre dernier. Sur scène, 24 danseurs, trois musiciens et un grand escalier occupent le plateau dès l’ouverture du rideau. La scénographie évolutive est signée Alexander Dodge, et les lumières mouvantes Dominique Drillot. Analyse du spectacle en mouvement à travers un monde flottant, ou l’art du collectif.
Ukiyo-e, image du monde flottant sur scène
Ukiyo-e s’inspire de l’art de l’estampe japonaise. Ce mouvement artistique se traduit par « image du monde flottant ». Dans le spectacle de Sidi Larbi Cherkaoui, il y a une référence au surnaturel : les démons et les esprits. Telle une vague, le mouvement des danseurs va et vient. Ils emplissent l’espace scénique d’un mouvement continu selon les tableaux. Une référence à La Grande vague de Kanagawa, la magnifique estampe d’Hokusai réalisée en 1831, conservée à la Bibliothèque nationale de France, du Ballet du Grand Théâtre de Genève.
Le dispositif scénique sur 13,8 mètres d’ouverture et 12 de profondeur présente une boîte beige de bandes de toiles. Elles sont suspendues en U, du côté cour au côté jardin, jusqu’au lointain. Leur semi-transparence laisse apparaître les musiciens dans les coulisses, à 2 mètres environ du plateau.
Les musiciens jouent en live des compositions contemporaines de Szymon Brzóska pour trio à cordes et piano, et des créations rythmiques percussives et électroniques d’Alexandre Dai Castaing. Des chants et instruments traditionnels japonais de Kazutomi « Tsuki » Kozuki et Shogo Yoshii s’ajoutent enfin à la composition musicale originale.
Scénographie évolutive d’Alexander Dodge
Après les premières scènes du spectacle, les grands emmarchements face au public se divisent en deux, puis quatre escaliers praticables. Sur roulettes, ils sont déplacés par les danseurs eux-mêmes. Accompagnant chaque tableau, ils glissent sur le tapis de danse peint comme s’il s’agissait d’un marbre.
La scénographie évolutive d’Alexander Dodge est un vrai jeu de construction à la Escher. Chaque escalier de 2 x 3,3 mètres de profondeur s’élève à 2 mètres de haut. Ils sont équipés d’un garde-corps en bois montant à 3 mètres du plateau.
La trame des marches se retrouve en arrière-plan de ces décors en mouvement. Les danseurs y montent les uns derrière les autres. Ils s’allongent de manière linéaire sur chaque marche. Ils chutent un par un de leur cime, tel un rituel, comme dans le vide en arrière-plan.
Derniers tableaux du spectacle, changement de paradigme. Les quatre emmarchements sont pivotés à 90° sur le plateau par les danseurs. Ainsi, les marches et contremarches deviennent des murs verticaux à redans. Jouant des ombres, la lumière rasante et des contre-jours occupent alors l’espace scénique.
Lumières mouvantes de Dominique Drillot
L’éclairage du spectacle Ukiyo-e est principalement en douche et contre-jour. Quelques éclairages latéraux au cadre de scène et une rampe LED RGB en avant-scène. Les danseurs sont parfois laissés dans l’ombre pour augmenter le mystère de la chorégraphie en mouvement de Sidi Larbi Cherkaoui.
Au total, 24 projecteurs asservis apportés par la compagnie sont utilisés pour le spectacle :
- 12 x Sola Frame 750, High End,
- 12 x A. Leda B-EYE K20 CC, Clay Paky.
Ils suivent en live la dramaturgie d’Igor Cardellini selon plus de 120 tops à la conduite, sur une 1 h 10 de spectacle. Focalisant la lumière côté cour, côté jardin, ou sur un danseur principalement, ils inondent le plateau d’une teinte lavande, bleu ou rouge sang, mais le plus souvent dans des nuances du blanc chaud au blanc froid.
D’après Rudy Parra, directeur technique du Ballet du Grand Théâtre de Genève, quatre projecteurs asservis sont dédiés aux projections de découpe et gobos. Sur certains tableaux, ils projettent au sol quatre images de trames de meneau de menuiserie fixe. Sur d’autres, ils créent un jeu de matière mouvante sur la scène, faite d’ombres et de lumière. Tel un feu en évolution, quand le corps transcende l’action.
Revoir la création à Genève sur Arte
- Disponible sur Arte : du 11/09/2023 au 31/12/2023
- Durée : 72 min
- Sidi Larbi Cherkaoui au Grand Théâtre de Genève
- Ukiyo-e – images d’un monde flottant
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Équipe artistique
Lieu
- Maison de la Danse
- Lyon, France
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