Une cArMen en Turakie, quand les objets prennent vie
Une cArMen en Turakie. Auteur, metteur en scène et scénographe du spectacle, Michel Laubu est un génie artistique. A partir d’objets récupérés et d’après l’opéra de Georges Bizet, il crée un spectacle rafraichissant pour le plus grand bonheur de tous.
En complicité avec Émili Hufnagel, l’interprétation est faite d’humour et de joie de vivre. Sans temps mort, les images du Turka Théatre s’enchainent vite d’une scène à l’autre. Les marionnettes construites par Emmeline Beaussier et Géraldine Bonneton sont soit portées devant les comédiens, soit posées sur les objets-mobiliers du plateau. Leurs mains sont toujours celles des marionnettistes qui les mettent en mouvement.
Carmen en milieu marin
« Qui est cette Carmen ? » questionne Michel Laubu dans le programme du spectacle. « Quelle est cette tragique histoire d’amour si populaire ? Un compte de fait divers amoureux ? Le conte d’une fée d’hiver amoureuse ? » Comme dans tout le spectacle, l’auteur joue sur les mots. Leurs sens dépendent du contexte, de la manière de dire les choses, de raconter l’histoire de Carmen.
Question de points de vue, l’adaptation de Carmen au théâtre d’objets situe l’histoire en milieu marin. « En Bretagne, au large de l’île de Sein se dresse le phare Ar-Men, ‘roche dure’ en breton » raconte Michel Laubu. « Ce phare noir et blanc essuie les tempêtes les plus spectaculaires. C’Ar-Men ? Un cœur de pierre qui déchaîne les passions amoureuses les plus dangereuses et les plus spectaculaires ? »
En Turakie « Nous pratiquons un théâtre d’objets visuels et sonores aux accents multiples qui raconte une Turakie rêvée entre bricolage poétique et poésie bricolée” poursuit l’auteur. « La Turakie, pays qui n’est dessiné sur aucune carte du monde, peut prendre forme dans l’imaginaire de chacun ».
Mise en scène et scénographie
Après avoir planté la situation avec un personnage en scaphandre au bulle luminescente qui introduit l’histoire, le spectacle se décompose en un prélude et trois actes :
- sur la place,
- la taverne,
- la montagne mère (à la plage),
- l’arène d’un site de rencontre.
Comme à l’opéra, le spectateur se retrouve d’abord devant un rideau qui s’ouvre sur l’orchestre. Il interprète des airs connus de Carmen de Georges Bizet. La transposition se passe ici sur un écran en rétroprojection. Quatre films d’animations faits de crabes trompettes, d’hippocampes musiciennes, de chœurs de crustacés et autres figurines aquatiques lancent chaque acte.
Lumière, ambiance et objets
La création lumière de Christian Dubet, assisté de Carolina Pomodoro qui assure aussi la régie lumière, met en place des ambiances sur le plateau, plus que des éclairages très localisés sur l’action. « Je procède peu par tableau, comme on le faisait avant » explique Christian Dubet. « Je défends un principe de lumière qui s’écrit dans le temps, comme de la musique et il est rare qu’un état se fige. L’espace est en mouvement, respire et évolue en fonction de l’intensité de ce qui se joue et de la musique. J’essaie ainsi de coller au jeu et d’en faciliter et orienter la lecture dans le sens dramaturgique désiré ».
« Le type de marionnettes – portées par un acteur – implique des contraintes autant de jeu que de lumière ! » poursuit-il. « Aussi, le manipulateur doit il être présent et assumé, tout en devant l’être moins, c’est-à-dire en retrait par rapport à la marionnette ».
« La compagnie du Turak Théâtre, si j’ai bien compris, a souvent résolu ce problème avec des éclairages assez simples et crus, directionnels, privilégiant la fonctionnalité sur le jeu, plutôt qu’une écriture lumière de plateau ayant aussi une fonction dramaturgique sur le projet ».
Atmosphères lumière du spectacle
Christian Dubet : « je leur ai proposé là une sorte d’alternative qui me permet de participer en lumière à l’écriture globale du projet, tout en essayant de respecter leur volonté sur la marionnette, même si au final on est allé plus loin et que l’on a peut-être réussi à dépasser des craintes ».
« J’ai donc travaillé :
- en blanc sur la base d’un plan assez fourni de latéraux – et un peu en face légèrement corrigée – qui donnent d’une certaine manière « à voir »,
- en couleur sur des atmosphères de contre-jour », précise le créateur lumière.
« Quelques sources au sol plus franchement colorées me servent à donner du relief et de la personnalité, à relever le plat dirait-on en cuisine ! On a donc une certaine richesse dans les palettes proposées ».
« Ensuite, le choix des couleurs se fait en rapport au sens.
- des chauds et des ocres espagnols !
- le rouge de la passion amoureuse.
- des bleus verts sous-marins, des bleus profonds maritimes ».
« cArMen pour moi, c’est la rencontre de la Carmencita Espagnole, la femme fatale, et du gardien de phare d’Armen – que fut mon père ! Et oui ! Alors le travail des atmosphères, il est assez vaste et riche !!! » synthétise Christian Dubet.
L’éclairage est ponctuel au moment où cArMen chante seule. Côté Jardin, une découpe projette en douche un cœur à l’envers sur un miroir. Incliné à 45° par un comédien, il éclairage cArMen.
Objets animés et éclairage intégré
L’équipe du Turak intègre la lumière à de nombreux objets sur scène de manière amusante. Le créateur lumière est « intervenu en conseil technique sur certains de ces objets mais c’est vraiment leur équipe qui en est à la base. En bref, une multitudes de petites sources dont l’intérêt est l’autonomie via une batterie 12 V » :
- une lanterne de phare avec une lampe de poche qui tourne avec un petit moteur. Une ampoule basse tension y est intégrée.
- un homme avec un chapeau abat-jour, qui s’allume et s’éteint selon l’action,
- le kayak rouge sur un landau avec un aquarium avec une bande de LED bleue,
- le taureau sur un caddie avec une découpe pour le museau, quatre PAR pour le corps et ses antibrouillards de voitures…
Projecteurs scéniques
Côté projecteur, « tout est assez classique ; le Turak Théâtre souhaitant pouvoir tourner le projet le plus possible » décrit Christian Dubet. « On trouve donc une base de références assez communes :
- PC 1 et 2 kW,
- PAR 64,
- 5 kW Fresnel,
- Découpes 1 et 2 kW
- BT 500 et 250,
qui faisait partie du cahier des charges de la conception ».
« J’ai néanmoins fait construire un dispositif que j’ai conçu il y a presque 20 ans afin d’équiper 10 PAR 64, CP62 de lentilles. C’est un principe qui me sert à donner de la matière, une texture, sur les à-plats du décor, le sol… » conclut le créateur lumière.
Interview de Michel Laubu, avant la création, 29 mai 2015
Création le 5 novembre 2015 au Bateau Feu – Scène nationale de Dunkerque.
https://www.youtube.com/watch?v=GP5wqrrruGY
Reportage sur : une Carmen en Turakie, 15 décembre 2015
Reportage au Journal télévision, France 3 Rhône-Alpes.
Interview : une Carmen en Turakie au Théâtre des Célestins, 14 décembre 2015
Interview dans l’émission de Rhône-Alpes Matin, France 3 Rhône-Alpes.
Conversation avec Michel Laubu du Turak théâtre
Entretien filmé lors d’une résidence de création à la MC2 en avril 2015.
Approfondir le sujet
Lieu
- Célestins, théâtre de Lyon
- Lyon, France
Livres
Le temps des flammes, de Christine Richier
Comment éclairait-on un espace scénique avant la lampe à incandescente ? Le temps des flammes de l'éclairagiste Christine Richier. Histoire de la lumière. |
E-book de la lumière dans le spectacle vivant, Agence culturelle d’Alsace
Aide-mémoire du régisseur lumière rédigé par le concepteur lumière Jean-Philippe Corrigou, le e-book de la lumière dans le spectacle vivant est à découvrir. |