Vendée : rénovation de l’ancien presbytère en bibliothèque
Entre Nantes et La-Roche-sur-Yon, Boufféré est un village rural. Depuis peu, il fait partie de la commune nouvelle de Montaigu-Vendée. Lemaire Florent Limouzin choisit de rénover l’ancien presbytère en bibliothèque. L’agence d’architecture Interstices de Jérôme Desbordes, basée à Clisson, est sélectionnée sur appel d’offres. Cette réalisation a reçu le double prix Aperçus Vendée 2022, l’équipement culturel et le prix du public. Une belle reconnaissance de l’architecture dans nos campagnes au quotidien. Rencontre avec l’architecte.
Quel était le programme architectural du bâtiment à rénover ?
Jérôme Desbordes : Dans les annexes du presbytère, le programme était de proposer un espace de convivialité, de rencontres, une grande salle de réunion. Dans le presbytère, il s’agissait de pouvoir mettre l’école de musique, l’association paroissiale et des espaces de coworking, avec des salles de réunion et des endroits pour travailler.
La troisième partie du projet, c’était de faire une bibliothèque-médiathèque.
Comment l’étude de faisabilité a-t-elle impacté la conception architecturale ?
Jérôme Desbordes : Dans une étude de faisabilité, la bibliothèque se trouvait plutôt à l’opposé de l’endroit où je l’ai placée, c’est-à-dire à proximité d’une salle de sport avec un petit parking. Je leur ai dit qu’il fallait plutôt la mettre de l’autre côté, en contact avec la rue, de manière à créer une certaine urbanité visible pour affirmer un dialogue avec les espaces urbains.
L’autre avantage, c’est qu’au lieu de perdre des places, ça permettait aussi d’optimiser l’organisation des stationnements…
Quelle est la composition des volumes bâtis ?
Jérôme Desbordes : Une petite démolition d’une partie du presbytère qui avait été rajoutée a été nécessaire. Notre extension est implantée dans le prolongement du presbytère en perpendiculaire. On lui a fait épouser aussi la courbe de la rue.
C’est pour ça que la médiathèque est courbe d’un côté. Toute la difficulté du projet consistait à ce qu’on ait une extension contemporaine qui dialogue avec le bâti existant et qu’ils entrent en harmonie l’un avec l’autre.
Pourquoi avoir choisi une structure à ossature bois ?
Jérôme Desbordes : Ma sensibilité, c’est aussi que toutes les constructions nouvelles soient à ossature bois. La bibliothèque est ainsi en structure ossature bois. Au fil de la discussion, on a également regardé si l’on pouvait intégrer des matériaux sains. On a 3 types de bardage en 75 à 150 de large : des lames de bardage en Red Cedar, des lames en mélèze et des lames en Douglas.
L’isolation est en ouate de cellulose avec des matières recyclées et il y a aussi une toiture végétalisée. De plus, la menuiserie est en bois.
Quels sont les choix principaux dans ce projet ?
Les choix principaux sont de conserver un maximum du bâti existant. Par exemple, les annexes du presbytère, là où l’on a les arcades avec la brique, le mur n’est pas du tout droit. Il y a un faux aplomb de 15 cm. C’est-à-dire que le mur penche vers l’intérieur, entre le haut et le bas, il y a 15 cm.
Donc ça veut dire que nous avons eu un très gros travail pour impliquer les entreprises afin d’obtenir quelque chose de qualité. Il a fallu que l’on travaille ensemble, de manière à trouver des encadrements en bois taillé sur place à la mesure des ouvertures, parce qu’elles étaient toutes différentes.
Comment le filtre en bois aléatoire a-t-il été mis en œuvre ?
Jérôme Desbordes : J’ai d’abord fait une maquette. Ensuite, j’ai fait un dessin de principe qui a servi pour la consultation. Et puis nous avons dit, il y aura 30 % de mélèze, 30 % de Douglas, 30 % de Red Cedar, et à peu près 40 % de vide et 60 % de plein.
Un matin, je suis allé voir le charpentier. Il m’a demandé si j’avais un plan. J’ai dit : « Non, nous allons le faire ensemble. » Donc, sur place avec les menuisiers, nous avons pris les bouts de bois et on les a mis en place sur la façade. Nous avons fait à peu près 1/3 ensemble. À un moment, je sentais qu’ils avaient compris la philosophie du projet. Maintenant qu’ils avaient vu ce que je voulais, ils pouvaient terminer, et ils ont continué cette façade. Je trouve que la part d’aléatoire et d’interprétation c’est aussi de faire confiance aux entreprises et de les laisser travailler. Quand on les guide trop, parfois ce n’est pas forcément intéressant. Donc, là je les ai laissées faire.
Quelle relation de confiance entre l’architecte et les entreprises ?
Jérôme Desbordes : Nous avons eu un maître d’ouvrage qui nous a dit : « Allez-y, on vous fait confiance, on n’a pas de patrimoine, il faut vraiment mettre en valeur le bâtiment. » Derrière, ça m’a mis en confiance pour aller un peu plus loin que d’habitude. Puis dernier point, c’est que le choix des entreprises, on l’a fait avec la mairie. J’avais déjà travaillé avec certaines. La mairie avait une forte volonté de valoriser le tissu local. Tout en respectant l’appel d’offres public, on a réussi à trouver de bonnes entreprises, à les impliquer, à venir vers nous et à les embarquer dans le projet. Donc, cette concordance maître d’ouvrage, maître d’œuvre et entreprise, c’est assez exceptionnel. J’en suis vraiment très content. Des projets comme ça, on n’en fait pas tous les jours. Nous avons vraiment eu un alignement de planètes qui fait que nous avons réussi à faire quelque chose ensemble.
De quels détails d’architecture es-tu particulièrement fier ?
Jérôme Desbordes : Il y en a beaucoup, par exemple, l’implantation du bâtiment en structure ossature bois. On doit avoir à peu près 20 cm libres par rapport au sol pour éviter que le bois pourrisse. Souvent, tu as des bâtiments qui sont déchaussés du sol parce que nous voyons cette bande de béton et ensuite la partie bois commence. Comment faire pour ne pas voir ça ?
Nous avons créé un petit caniveau en pied de bâtiment de façon à voir les 20 cm, qu’ils soient en dessous du niveau 0 du bâtiment, ensuite on revient mettre une petite bordure derrière. Le projet d’architecture, ce sont plein de détails comme ça qui permettent que les choses soient finement réglées et que ça se passe bien.
Comment as-tu réagi en recevant le prix du public ?
Jérôme Desbordes : J’étais très surpris, franchement, je ne m’y attendais pas du tout. C’est un projet où j’ai éprouvé beaucoup de plaisir à travailler parce que j’avais face à moi une équipe de maîtrise d’ouvrage qui avait le sourire, qui m’a écouté, et nous avons fait un super travail ensemble, dans le respect les uns et des autres. C’est quelque chose que nous n’avons pas forcément dans d’autres projets.
Dans la période que l’on vit – avec le réchauffement climatique – cette année, il y a un changement qui s’opère aussi à tous les niveaux. Alors, récompenser les projets qui vont dans le bon sens, c’est bien, mais ça fait des années que l’on se bat pour ça, donc ce n’est pas nouveau pour nous.
Propos recueillis par Vincent Laganier par téléphone, le 29 mai 2023 et par courriel, le 14 juin 2023.
A suivre…
Bibliothèque « La Boîte à Livres » mise en lumière
Approfondir le sujet
Équipe du projet
Lieu
- Bibliothèque Boites à livres
- Montaigu-Vendée, France