Voronia de Marcos Morau, lumière réaliste en scène
Dès l’accès à la salle, l’atmosphère baigne dans une fumée d’encens. Au plateau, un tapis de velours rouge clean. Sur scène, un rideau gris de cour à jardin. Au-dessus de lui, un épitaphe en latin : « in girum imus nocte ecce et consumimur igni ». En français : « nous tournons en rond dans nuit et sommes dévorés par le feu ». Marcos Morau et La Veronal plante le décor.
Chorégraphie syncopée
Sous forme métaphorique avec un ascenseur derrière le rideau gris, le chorégraphe et directeur de la compagnie La Veronal, Marcos Morau, crée des tableaux énigmatiques. D’après le pitch du spectacle, il nous fait explorer, à sa manière, « la plus profonde grotte du Causasse, Krubera-Voronya, la grotte du Corbeau. Entre le fantastique de David Lynch, le surréalisme de Luis Buñuel, la danse-théâtre de Pina Bausch », il s’agit de pénétrer les mystères humains de la cavité. Où sont le bien et le mal dans l’existence ? Quelle posture est tenable dans notre société ?
Empreinte de symboles du christianisme, tant dans les costumes en noir et blanc, dans l’occupation de la scène que dans la musique à la viole ou les chœurs d’églises, la chorégraphie n’en est pas moins troublante. La danse contemporaine est syncopée, démembrée, comme si les danseurs étaient handicapés. On prend peine pour eux…
Lumière crue en profondeur
Sur le velours rouge, des faisceaux flous éclairent le centre du plateau d’un blanc froid latéral haut. La lumière d’Albert Faura est souvent axée et symétrique pour les solos et les duos. Cet éclairage cru accentue l’impression de profondeur tout en écrasant les danseurs.
Pour plusieurs tableaux, le plateau est éclairé en trois points depuis une même perche, toujours en latéral haut blanc froid. Certains utilisent même la douche pour dramatiser un peu plus l’action.
D’autres jouent du contre-jour sur les danseurs uniquement ou de l’effet de silhouette, le rideau gris étant alors éclairé des coulisses de manière frisante sans autre source de lumière d’ailleurs.
Moments scénographiques
Deus ex machina, comme des apparitions du fond de la scène, des moments scéniques sont en suspension dans l’air. Des cages s’ouvrent ou avancent sur le plateau :
- la salle d’opération en cours dans la lumière puissante d’un stéthoscope tout à fait médical,
- la cage de verre de l’enfant où seuls deux tubes fluo bleutés sont placés à l’intérieur.
Une scénographie en séquence cinématographique de Voronia réussie d’Enric Planas et de La Veronal.
Enfin, l’ascenseur s’ouvre sur une table blanche dressée avec 12 couverts et des roses blanches. Tels la Scène christique, plusieurs tableaux se succèdent. L’ouverture sur l’intérieur de l’ascenseur contraste avec l’action scénique, soit par absorption des danseurs, soit par un aperçu sur un événement comme un instantané.
Son capté in-situ
La captation in-situ du son des claps dans les mains des danseurs par Marcelo Lastra en cinq points en avant-scène fait aussi partie de la mise en scène. Avec un effet d’écho stéréoscopique dans la salle, c’est une façon magistralement contemporaine de donner l’impression de la grotte du Cordeau au Grand T de Nantes. Une co-réalisation avec le lieu unique. Vive le spectacle vivant !
Lieu
- Grand T
- Nantes, France